Saturday, November 23, 2019
Giovanna, medecin de secours en mer
Témoignage d’une médecin secouriste des migrants en mer… Giovanna Scaccabaressi
Je n’ai jamais imaginé me retrouver en pleine mer, pour aussi longtemps, loin des montagnes, aussi loin que je ne m’en rappelle plus le profil… Quand on est sur un bateau, tu peux tourner en rond, autant que tu veux et ne verra que le bleu de la mer. Tes points de repères deviendraient le soleil le jour et les étoiles le soir…pour que tout devienne très simple.
Alors, il arrive que dans l’immensité de l’eau et sur la ligne de l’horizon, un petit point apparaissait. Une petite chose qui n’appartient pas à la mer et plus que tu t’en approches, elle grossit petit à petit et devient progressivement, un petit bateau. De plus près, l’embarcation était pleine de bras humains, des jambes et des corps… Tu devais encore de rapprocher pour reconnaitre des visages humains, et quand tu t’en approcheras encore plus, plus encore, ton regard croisera la première paire d’yeux, pour que ton cœur arrête de battre…
Tu ne pourras pas t’habituer aux regards de vie et d’espérance qui se mélangent, et si tu avais des interrogations sur la condition humaine de nos jours, la réponse était là….
La petite embarcation transportait une petite foule, qui t’entourait, t’étouffait à en perdre le souffle, entre la déchéance, l’espoir, la vie et la mort en négociation pour des centaines de vies en flotillants dans l’infinité de la mer.
L’action de sauvetage était devenue familière et me libérait aussi, chaque fois, en dénonçant et extériorisant cette profonde douleur. A bord de notre bateau de sauvetage, chacun de nous avait un rôle spécifique à jouer. Le mien, était de recevoir et accueillir les survivants en leur fournissant les premiers soins et un peu de réconfort. Pour la majorité d’entre eux, , l’urgent et l’immédiat, était le fait de réaliser effectivement, qu’ils sont enfin vivants, des êtres humains en de bonnes mains. Je n’avais pas besoin d’une blouse blanche, un masque de protection et des gants, en tant que médecin secouriste, car j’accueillais les migrants avec des poignées de mains nues, un sourire sincère et de grands câlins réconfortants quand il le fallait. Je séchais leurs larmes, tout en essayant de retenir et contenir les miennes.
Le retour vers l’Italie, demandait au moins deux jours, un temps court ou infini, en fonction des conceptions et des points de vue.
Malgré l’épuisement physique, je trouvais après chaque sauvetage, que j’avais travaillé durement et constamment de bon cœur. Un laps de temps insignifiant, devant ce que je voulais offrir à chaque expédition. Des centaines de migrants qui auraient aimé être entendu et auxquels, je dédiais un moment de paix et une empreinte d’humanité.
A chaque débarquement, j’essayais de saluer chacun d’entre eux encore une fois, fermant le cercle par des poignées de mains, des sourires croisés, des larmes encore de séparation avec ces nouveaux amis du parcours de la vie.
Chaque personne, qu’on essayait de rassurer vers la sécurité, avait un nom, que je gardais en moi-même, et que je répétais quelques fois à haute voix, car je pense que chacun mérite d’être aimé, chaque jour.
Ils étaient tous porteurs d’une histoire personnelle, emplis de douleurs et de souffrances, malgré leur volonté, leur force extraordinaire et leur attachement à la vie et au bien-être.
Et quand je marche dans la foule, n’importe où, je me représente toujours les mêmes visages, avec leurs noms différents, des ces hommes et femmes, venus d’ailleurs et pour lesquels, je dédie un sourire, pour ce témoignage vivant de nos préoccupations réelles.
Giovanna Scaccabaressi
Traduit par Lihidheb Mohsen
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