Friday, April 27, 2007

Mamadou II

Mamadou II

Cette fois il n'avait pas de corps, juste les os, enserrés dans le bas par une ceinture jaune retenant un pantalon bleu flottant sur le creux des jambes désossées. Il n'avait rien de la beauté de Mamadou I de 2003, mais malgré sa squelette dégarnis et sa tête lâchée en vadrouille quelque part dans la Méditerranée, Mamadou II avait aussi de l'allure et m'inspira beaucoup de respect et de recueillement. Entre deux monticules d'algues sèches, sur une plage paradisiaque de l'Isthme gauche d'Ejdaria, il était sur le dos, bombant le torse aux cotes entrecroisées dans une attitude de sagesse et d'acceptation stoïque.

J'ai aussitôt appelé mon compagnon occasionnel, Monsieur BORAN, qui traînait distrait comme d'habitude par ses fixations artistiques. Boran le demi-fou, Boran le demi-sage, Boran le bon, Boran l'emmerdant, a cru que j'ai trouvé un oiseau mort, chose que j'observais depuis quelques temps, dans le cadre de la grippe aviaire. Mais quand je lui ai montré mon nouvel ami Mamadou II, il fit un pas en arrière et ne parla plus en se renfermant tout à coup sur lui même, malgré mon invitation à lire quelques sourates du Coran sur cette victime de l'exode marin vers le Nord.

Il faut que je reconnaisse, que les mots, ne me venaient pas facilement, aussi sacrés soient-ils, et j'ai dû terminer avec un cri passionnel de désapprobation et de refus devant ce génocide qui perdure.

Boran, a fait des yeux ronds quand je lui ai demandé s'il veut bien ramener notre ami , à cheval, sur ses épaules, jusqu'à la voiture, car il n' y avait que l'humour noir qui pouvait nous faire dépasser cette angoisse terrible et ce dictat de la providence, qu'on subit depuis quelques années sans pouvoir faire quelques choses. J'ai déjà publié un texte sur Mamadou, j'ai envoyé ma dizaine de poèmes sur cette affaire partout dans le monde, j'ai parlé à la radio, j'ai dissuadé sur le net, mais sans succès ni moyen de contenir ce glissement collectif. Il m'est arrivé aussi de construire des radeaux, quand le vent est favorable, que j'envoyais vers le large avec quelques subsistances d'eau et de nourriture. J'étais trahi par les gens qui ont trouvé mes bouteilles à la mer et dans lesquels ils ont trouvé des bonbons, des fèves, des pois chiches…..en plus du message de paix et de fraternité. ils ne savent pas encore que ces petites choses de survie étaient destinées aux éventuels Mamadous en naufrage.

Ainsi, Mon ami Mamadou II, rejoigna ses compagnons de route et de déroute, dans un cimetière sur une colline surplombant la mer de Zarzis. Boran et moi, sommes revenus au cimetière des vivants, vivants, mais noyés dans nos inquiétudes et entraînés par les courants du nonsense de l'Homo sapiens politique, de l'ère de l'indifférence.

Lihidheb mohsen
Collection mémoire de la mer
Zarzis Tunisia 21.10.05
www.seamemory.org

Monday, February 19, 2007

Funerailles de bruleurs

Funérailles de « brûleurs »

Ta tête cognait sur les rochers, Ding Ding,
Poussée par les vagues de la jetée, Ding Ding,
Ton corps suivait tout relâché, Ding Ding
Tout nu comme un nouveau né, Ding Ding,

Tu voulais regagner la terre, Ding Ding,
Comme autrefois les mammifères, Ding Ding,
Mais ces derniers étaient vivants, Ding Ding,
Pour toi il n’en est plus question, Ding Ding,

Que fais tu là mon pauvre ami, Ding Ding,
Que fais tu là mon pauvre frère, Ding Ding,
Et ce le bateau qui t’a trahi, Ding Ding,
Ou les passeurs de la chair, Ding Ding,

Comment sont morts les enfants Ding Ding,
Dans les bras de leurs mamans, Ding Ding,
Se regardant les uns les autres, Ding Ding,
Sous le regard nu des apôtres Ding Ding,

Vos espoirs étaient dans le Nord, Ding Ding,
Vos espoirs étaient dans les hommes Ding Ding,
Dame nature donne la mort Ding Ding,
A ceux qui touchent à la pomme, Ding Ding,

Ainsi soit-il, Ding, mon pauvre brave, Ding,
Tu es et tu restes, Ding esclave, Ding, Ding,
Les conquistadors, Ding, t’entravent, Ding,
Le corps et l’esprit Ding comme une épave, Ding,

Alors, salut à ton âme, Ding, Ding, Ding, Ding,
La nième victime, Ding Ding,
D’un insensible modernisme, Ding Ding,
Et de l’Homo sapiens superflu, Ding Ding

Ding Ding Ding Ding,

Lihidheb mohsen Zarzis

Castrations

CASTRATION


On l’a trouvé agenouillé,
Dans un bateau fantôme,
Au milieu de quatre hommes,
Depuis longtemps décédés.

Il avait le corps d’athlète,
D’une brute, d’une bête,
Et sa grande carrure,
Impose encore sa stature,

Ils seraient soixante au départ,
Naviguant à tout hasard,
Cherchant un autre sort,
Et c’était enfin la mort,

Peut être il les a aidé,
A passer par dessus bord,
Car la nature lui a donné,
Parmis les faibles il était fort,

Et devant cet énergumène,
Ils se seraient jetés en chaîne,
Dans une castration de vie,
Et que leurs âmes soient bènies.

Lihidheb mohsen
Zarzis Tunisie 06.09.03

La priére

La prière


Cà fait bien frais au cœur,
Dans la torride chaleur,
De voir de belles prières,
Sur les victimes des galères,

Sans devoir de foi ni loi,
Ni prétentions à l’au-delà,
Les gens se sont agenouillés,
Devant les corps des naufragés,

Car chez nous il faut le dire,
Tout noyé est un martyr,
Dont on respecte le corps,
Très émus devant la mort,

Ainsi soit- il, ainsi ce fut,
Un nouvel espoir déçu,
Dans l’humanité des hommes,
Lassés de convoiter la pomme,

Pour démentir certaines images,
Les musulmans sont tous des sages,
Et l’histoire des fous de Dieu,
Est un péché crée par eux,

Eux les sponsors de la guerre,
Politiciens de toute la terre,
Incapables de parier,
Sans contrefaire la vérité.

Lihidheb mohsen

Fetiches

FETICHES

J’ai porté le chapeau,
A fleur de peau,
J’ai porté vos chaussures,
Jusqu’à l’usure,

Je vous ai porté dans mon cœur,
Vous tous, mes frères et sœurs,
Je vous ai fait mes prières,
Et j’essaie de joindre vos mères,
En espérant que ce que je fais,
Pourrait au moins les consoler,
Par les fétiches de leurs enfants,
Et les centaines de vêtements,
Que j’ai aussi collecté,
Bien lavé et conservé,
Sortant de la mer pris en photo,
Sans Mamadou et sans Momo,
Sans Diallo et Désiré,
Sans Miriam et son Bébé,
Sans vous, pauvres damnés.


Lihidheb mohsen
Zarzis Tunsie 05.09.03

Sifflet de l'arbitre absent

SIFFLET DE « L’ARBITRE » ABSENT

Pourquoi tu n’as pas sifflé
Les bateaux des clandestins,
Pourquoi tu n’as pas bloqué,
La route à ce destin,

Avec de simples bouffées d’air
Et un bruit strident dans l’air,
Des cartons jaunes, des cartons rouges,
Arrêtez, personne ne bouge,
Et sauver des malheureux
Perdus dans l’immense bleu,

Pourtant quand je t’ai trouvé,
Parvenant à la jetée,
J’ai voulu bien t’essayer,
Et un bruit s’est dégagé,
Accentué par le vent,
M’assourdissant les tympans,
Là où il ne fallait pas,
Comme toujours dans ces cas,

Tu n’as pas fait ton devoir,
D’ailleurs monsieur l’arbitre aussi,
Vous regardiez ensemble ailleurs,
Complices d’obstruction à la vie.

Lihidheb mohsen

Ô Mamadou

Ô Mamadou


Ô Mamadou, t’as bien échoué sur le visage,
Sur notre paisible plage,
Repoussé par les vents, les vagues d’occident,
Sur les rivages de l’amitié et la piété,

Ô Mamadou, t’es bien tombé, plutôt mort que vivant,
Vers une autre destinée et qu’ignore ta maman,

Ô Mamadou, j’ai prié pour toi, par le noble Coran,
Par le rituel Bantou et le nouveau Testament,
Pour parvenir à ton Dieu ta plainte et nos tourments,

Ô Mamadou, au moins ce soir, tu dormiras,
Au ventre de la terre, loin du froid,
Auprès de tes frères en émoi

Ô Mamadou, dis à ta mère, qu’on t’a bien accueilli,
Et bien prié pour que tu sois béni,
Et elle était là avec nous par son esprit,

Ô Mamadou, dis à ton Dieu, quel qu’il soit,
Combien l’homme souffre en désarroi,
Préférant de loin l’au-delà,

Ô Mamadou, dis à tes confrères,
Que la mer n’est pas rivière,
Que le bonheur n’est pas ailleurs,
Que l’Occident n’est que chimère.


Lihidheb mohsen
4170 Zarzis Tunisie 11/08/02 à 23.H00

Mamadou mon ami

Mamadou, mon ami

Depuis quelques jours, on raconte l’arrivée de plusieurs cadavres sur les plages de Zarzis. Elles étaient toutes de personnes noires. On dit aussi que ce sont des « brûleurs » qui essayant de joindre l’Europe partant de la Libye, se seraient échoués lors de fortes tempêtes.

Touts les gens au courant de mes marches sur les plages, m’avaient demandé, si j’avais trouvé ma part de naufragés. Ils le disaient en rigolant, mais, je ne rigolais pas du tout. Je rencontre chaque jour des dizaines de cadavres de tortues et de dauphins, et ça me fait à chaque fois beaucoup de peine, que dire alors de mes confrères dans l’espèce !! En vérité, j’avais en permanence une angoisse au ventre et me suis préparé à une éventuelle rencontre avec un des naufragés. Avec le temps, j’étais déçu, et me demandais, pourquoi je n’en trouve pas, moi, le maraudeur des plages, moi, qui suis prédisposé à les bien accueillir et respecter morts ou vivants. Sans cynisme, je souhaitais cette rencontre car elle fermerait la boucle de mes trouvailles. Au début les vagues m’avaient rapporté les objets de la déconstruction du Nord, puis les messages humains en bouteilles renfermant la détresse, le désarroi et le peu de communications entre les gens, et pus en fin, une victime en chair et en os, de la ruée vers l’occident.

Je l’avais vu de loin, au début je l’avais pris pour une tortue retournée sur sa carapace et quand je me suis rapproché doucement assourdis par les battements de mon cœur, j’ai constaté que c’était bien lui mon ami Mamadou. Enfin il est là, retourné sur son ventre, couvert par les algues jusqu’aux genoux et sur le sommet de la tête. De taille moyenne, un corps bien proportionné et musclé, les vagues et le soleil avaient bien tanné sa peau qui avait une couleur noir beige, dans une beauté dont seul Dieu est capable. Très ému, mais lucide, j’ai lu sur lui plusieurs versés du Coran, en bon musulman, j’ai formulé des prières à Moise, au Christ et les Dieux animistes, afin que Mamadou soit béni par son apôtre et son âme retrouve la paix. Tout de suite après, je n’ai pu m’empêcher de crier ma colère à faire trembler la plage, contre cette nouvelle forme de destruction de masse dont les démunis en sont les victimes.
J’ai refusé de prendre des photos de mon ami, car son corps, son esprit et sa beauté, appartiennent à l’éternité et à Dieu le tout puissant.
A ma grande surprise, les fonctionnaires de la Garde Nationale et la Protection Civile, appelés sur mon portable, étaient visiblement très émus et compatissants malgré le grand dérangement et désagrément que ce genre d’interventions leur cause.

Le soir à la maison, j’ai commandé un bon repas pour toute la famille que je n’avais informé qu’après quelques jours de ma rencontre avec mon ami Mamadou. Ce soir là, j’étais heureux que mon ami ne dorme plus dans le froid.

Lihidheb mohsen 11.08.02 Zarzis Tunisie