Sans cynisme, ni fétichisme quelconque, les configurations et assemblages de l’action mémoire de la mer et de l’homme, sont des œuvres de land-art pour sensibiliser à la nature et à l’humain, composées généralement par des objets trouvés sur les plages provenant de la mer et quelques fois les chaussures des migrants clandestins victimes de cette traversée dangereuse. Maintenant, Boughmiga est à son septième tableau, dans l’espace de l’action et voilà la dernière qu’il vient de finir. Un grand cercle sous forme de globe, plein de chaussures de migrants divers, avec au milieu un bateau plein d’ampoules géantes et une tête de bélier dirigée vers le nord comme pour défoncer les murailles d’une forteresse, ainsi que des lampes de néants signalant les sillons du mouvement de l’embarcation et encore celui de la planète en route vers d’autres constellations. Bien sûr, les ampoules embarquées symbolisent les jeunes pleins d’énergie et de vie avant de se faire éteindre par manque d’oxygène. Plusieurs centaines de souliers couvrent le globe et interpellent le spectateur à l’ampleur du drame qui malheureusement perdure. Autours de l’installation, plusieurs plants de tournesol et de partèques ont été irrigués, malgré le climat désertique, afin de donner un peu de verdure et de vie, à cette mémoire vive des disparus en mer. Boughmiga, dans un élan de solidarité et après une longue réflexion, se rappela de joindre les significations d’un très ancien poème populaire, avec le sujet de l’assemblage. « A Allah le respect, la volonté est à Dieu, si un jour, je meurs s’il le veut, mettez ma tombe sur la route, pour que sur moi les passants vont et viennent, plantez une pastèque sur ma tombe et mettez un couteau dans son fruit, pour que mes dents en dégustent la vie ». Une démarche fantaisiste, qui veut planter des pastèques et des tournesols, juste à côté de la configuration des chaussures des victimes de la mer, en guise de respect à leurs âmes, de l’investissement du vivant dans leurs mémoires et inscrire l’approche dans le mouvement éternel de l’éternel.
De toutes les façons, cette installation restera Inchallah, jusqu’en
Aout, quand les pastèques seront bien mures que ce soit sur place ou bien
achetées du Souk Lerbaa. Une dégustation collective sera organisée avec certains
parents de victimes et les clients du café culturel de la place, Souihel. La
compassion et la solidarité, ne sont pas seulement par la dénonciation, les
cris, les paroles, les attentes…mais aussi par le partage de ce qui reste de la
vie et impliquer l’absent, dans le mouvement.
Lihidheb Mohsen 23.05.2022