Debout, sur le pont avant de son bateau de pêche, le Rayess, véritable chef marin, sélectionné par le temps, par l’expérience, par son adresse et sa capacité à lire à vue d’œil les situations et prévoir le climat à venir. Que ce soit la direction des vents, leur intensité, les intempéries, les courants marins, le mouvement des poissons et leurs espèces et surtout l’intervention héroïque lors des difficultés monumentales d’orages ou de naufrages, se sont sa condition physique et son acuité visuelle, qui confirment et légitiment son titre. Cette fois, il était debout pour la prière du matin, à l’aube et la lumière pointait à l’horizon, progressivement, mais toujours concentré sur sa dévotion, il ne voyait rien. A la fin de son devoir spirituel, comme il se doit, il salua à droite et à gauche, les anges et les esprits confondus. En se levant, il regarda devant lui, il commençait à faire plus clair et son regard tomba, juste devant le bateau, sur le corps d’une femme corpulente flottant sur le dos entre les vagues, avec son enfant sur la poitrine, morts tous les deux. Une image terrible, qui le prit à la gorge et l’immobilisa sur place. Tout de suite, il recommença encore sa prière, à une voix plus haute cette fois, afin de la faire parvenir à la divinité, aux anges et aux preneurs de décisions dans ce monde irresponsable