Dans mon espace écologique, mémoire de la mer et de l’homme, j’ai eu l’occasion d’employer plusieurs ouvriers des migrants Africains. Une bonne quinzaine, chaque jour une personne différente, juste pour aider et partager ma maigre retraite de fonctionnaire. Dans le parcours de cette action, j’étais confronté à l’écologie humaine en trouvant sur les plages les vêtements et chaussures des naufragés en mer, peut être morts entre la Lybie et Lampedusa. Depuis 1995, je faisais des assemblages de ces objets et avec des textes et poèmes, je dénonçais haut et fort cette iniquité vis-à-vis des pauvres de ce monde. Un cri de colère sans équivoque contre toutes les violences et particulièrement celle-ci qui perdure, malheureusement jusqu’à nos jours. Pourtant dans les années quatre vingt dix et avant, quand il n’y avait pas de visa restrictif, les gens allaient et venaient en Europe, sans problèmes notoires, alors que depuis les restrictions, la frustration collective à pousser les jeunes à la migration clandestine en traversant la mer dans des conditions dangereuses. Maintenant, en plus des milliers qui avaient traversé la mer à partir de la Lybie, de la Tunisie et d’ailleurs, d’autres centaines sont venus d’Afrique noire par avion, pour avoir un pied à terre juste avant de trouver l’occasion de faire la traversée vers Lampedusa. Malgré qu’ils soient de bons travailleurs, affichant une bonne conduite et une moralité certaine, ils ne comptaient pas s’intégrer en Tunisie, attirés irrésistiblement par la ruée vers le nord.
Ainsi,
obligés de voir ma collection triste de chaussures et de vêtements de migrants
perdus en mer, je ne leur en parlais pas au début mais juste en les payant pour
leur journée de travail, que j’évaluais l’impact des risques sur leur vision
des choses. La majorité ignorait le paysage, comme s’il n’existait pas, une
attitude de refus d’accepter la dure réalité et d’en réchapper, mais plusieurs
aussi avaient déclarer leur inquiétude, leur désarroi, leur hésitation et leur
réserve devant les risques d’une traversée controversée par la mer. Bien sûr, je
ne faisais rien pour les dissuader, mais je les prévenais clairement de ce genre
d’aventures, tout en les invitants à apprendre un métier, s’assumer pleinement
et faire des démarches pour un visa et un déplacement régulier. Il m’a tout de
même sembler que j’étais grossier et cynique, en m’adressant à des gens qui
avait quitté leurs familles, traversé le désert, subit les ghettos de la Libye,
essayé la traversée à plusieurs reprises…, alors qu’ils sont à la dernière
étape de leur calvaire. Par principe d’humanité, je devais être clair à chaque
fois, sans tomber dans les politiques de rejet et de refus, ni afficher une
attitude de complaisance et de légèreté, vis-à-vis d’un sujet aussi grave et
dangereux.
L’un
des jeunes Africains, avait été invité pour déjeuner dans le local du musée, à
cause de la chaleur insupportable et quand il était parti, l’après-midi, j’ai
vérifié par hasard ce qu’il avait touché des objets exposés, alors j’ai constaté
avec étonnement, puis avec admiration, que c’étaient les arcs et flèches ainsi
que la cithare Africaine, qui avaient été touchés. Une sorte de retour aux
sources, aux origines et à l’identité de chasseur cueilleur et musicien.
Chaque matin, au village, ils sont des dizaines à attendre du travail,
ou à circuler à bicyclettes et quelques fois en groupes, sans trouver l’occasion,
ni le désir d’un accès à la société locale, qui sans animosité ni ségrégation,
veillait à l’étanchéité de son tissu social, dans la quiétude et le confort
relatif du groupe « aussi ».
Lihidheb mohsen éco artiste 25.09.2021