Depuis l’homme primitif, la région de Zarzis, était un carrefour de passages et d’installations fixes et temporaires des hommes. Les bifaces taillés sur toute la région témoignent de la présence du paléolithique et les foyers du néolithiques s’affichent aussi par l’industrie de la pierre de silex dans la région. Avec des vestiges Puniques relayés par ceux des Romains et les Arabes arrivèrent, pour laisser les traces urbanistiques et culturelles qu’on connait. Juste pour dire que l’accumulation des apports et savoir faire, avaient fait de cet endroit, un foyer d’intégration, d’hospitalité et de volonté à composer avec les avenants, y compris les flux migratoires à travers l’histoire. Particulièrement en 1911, en 1930 et en 2011, la région avait bien accueilli et assimilé ces refugiés sécuritaires et climatiques, avec une prédisposition innée de sagesse et de convivialité.
Dans les années 1990, la migration clandestine avait fait de la Lybie un tremplin pour parvenir vers l’Europe, constitué majoritairement d’Africains et d’originaires de pays pauvres, comme le Bangladesh, la Somalie, l’Erythrée… pour être relayé par ceux de l’Afrique du nord, acculés par le chômage, manipulés par une acculturation profonde et le manque de visas réguliers. Ce n’était qu’à la fin du siècle dernier, que l’action mémoire de la mer et de l’homme Zarzis, avait commencé à trouver sur les plages les vêtements et chaussures des naufragés en mer, puis quelques fois des corps humains qu’elle signalait aux autorités, qui à leur tour, avaient refusé catégoriquement à Boughmiga, de savoir l’emplacement de leurs enterrements et les conditions d’identification et de suivie. Plus tard, il a été permis de savoir, que la municipalité avait octroyé en 2001 un petit terrain à cet effet, juste à coté de la déchetterie municipale où les mises à terre au bulldozer étaient expéditives et sommaires. Il faut reconnaitre que suite à un programme de mise en silos de la déchetterie pour la transformer en humus grâce au compostage naturel, une confusion avait « probablement » eu lieu entre les restes des uns et celles des autres. Sous un régime autoritaire, la menace était générale et même les agents municipaux avaient fait ce qu’ils pouvaient. Malgré le refus catégorique à Boughmiga de savoir les conditions d’enterrement des migrants morts, il avait aussi une angoisse profonde et une peur de savoir la vérité, qui aurait certainement fini par le détruire et anéantir son action écologique et humaine.
En 2O11 et suite à un vide relatif dans les structures d’accompagnement et de traitement des corps rejetés par la mer, l’intervention directe de la croissant rouge et certains bénévoles, avait fait le nécessaire et mis par conséquent, l’emplacement du cimetière des inconnus, à la connaissance du public. En plus de l’engagement de Chamseddine Marzoug qui exerça son expérience d’assistance au camp de refugiés de la Choucha, les pêcheurs de Zarzis, dont Bourassine et Mcharek, ainsi que ceux de Bennana et ailleurs, avaient donné d’eux même et quelques fois aux dépends de leurs gains journaliers, afin de secourir les perdus en mer ou faire le nécessaire pour la dignité humaine.
Dans cette ville, au social assez particulier, chaque personne œuvrait seule, sans avoir l’occasion ou même l’information qu’il y a d’autres qui feraient aussi la même action, jusqu’au jour où les militantes Valentina Zagaria et Aouatef Mcharek, avaient fait connaitre les uns aux autres et donnèrent de l’importance au travail bénévole des uns et des autres. Bien sur, depuis 2017, il était question d’un autre cimetière pour les émigrés morts en mer, puisque l’ancienne était désormais pleine et une réunion avait été organisé par Monsieur le délégué de Zarzis avec Mme Mcharek, Marzouk et Boughmiga, en présence des chefs secteurs de la région, pour essayer de trouver un nouvel endroit adéquat et loin du foyer habité par les migrants, mais, quelques temps plus tard, on a su qu’un terrain avait été acheté juste derrière ce même foyer, par un donateur Algérien. Un endroit qui était en partie marécageux, mais l’avancement des travaux l’avait comblé massivement par des couches de sables. Lors d’un flux massif de corps de migrants, un bon nombre avait été enseveli dans ce nouveau cimetière, dans des conditions très difficiles de climat, d’affluence et de possibilités, et ce, même avant la fin de sa construction. En ce moment, Boughmiga, en tant qu’accompagnateur de la mémoire de ces victimes, croyait que l’artiste bénévole, aurait l’initiative de reconnaitre les efforts des parties locales comme les pêcheurs, l’action mémoire de la mer et de l’homme, Si Marzouk et bien d’autres, mais il n’en fit rien, donnant à l’image une aspiration de toute l’affaire par le facteur argent. Une lecture négative, que Boughmiga avait soulevé très tôt, bien avant l’inauguration, surtout quand il fut informer d’un malentendu entre l’Algérien et Marzouk.
Comme on ne peut que saluer cette initiative financière de bonne volonté, on doit souligner les efforts de toutes les parties sur place, sans distinction ni mise à l’ombre, dont personne n’avait été invité à l’inauguration, surtout quand les visiteurs de l’événement étaient des organisations humanitaires internationales. Un comportement du philanthrope et des élus locaux, qui n’étaient pas à la hauteur de l’histoire de Zarzis, ni la mémoire des morts en mer et moins encore, au niveau de ses militants bénévoles et spontanés.
Que ce soit, un jardin pour les corps de nos amis, oui, mais quand leur mémoire à travers les racines des arbres, joindrait entre l’amertume laissée à Zarzis par une inauguration manquée et la salinité des tombes, on ne peut que dire dommage, car les militants, les humains, les vrais, ont fait leur devoir, avec humilité et sagesse.
Lihidheb Mohsen Zarzis 24.06.2021
Action mémoire de la mer et de l’homme.