Aujourd’hui, à la vingt et unième année du vingt et unième siècle, au fait de la civilisation humaine, le drame continue avec persistance. En effet, encore, des corps, des morts, sur les plages, dans tous les paysages des courants marins, encore de Zarzis, en Turquie, aux Açores, encore du Sahara désertique de Libye aux murailles du Mexique, une ruée constante vers des espaces meilleurs, un appel de survivance et de confiance en son devenir…et qui survivra pourra.
Encore des bateaux qui partent, certains arrivent, d’autre à la dérive, reviennent à la vie de ghettos, ou se perdent dans la mer au hasard des secours et des pannes mortelles. Toujours dans l’espoir, de ne pas faire le folklore de la guerre et trouver pour de bon un créneau de solutions pour cette migration naturelle vers des espaces viables et plus belles et qui reste foncièrement légitime et compréhensible. Se basant sur les faits et ayant eu les occasions de comparer, les élans des migrants clandestins, partant de l’Afrique noire et ceux de l’Afrique du nord, Boughmiga avait constaté, la détermination irrévocable des uns, poussés par les famines, les guerres et la misère dans un parcours à travers les déserts et les mers, parsemé de grands risques et de dangerosité, pendant que l’élan de l’Afrique blanche, était aussi percutant et déterminé irrévocablement dés le départ, à cause du chômage mais surtout les effets psycho-sociales conditionnant le devenir de chacun dans l’image du nord. Une même force de cet élan et une proportionnalité dans la propulsion balistique vers les forteresses des nantis pour des chances de travail, d’existence et de bienêtre.
Un phénomène social, surtout pour l’Afrique du nord, qui grâce aux humanitaires et aux médias, devient de plus en plus connu dans le monde et qui reste l’une des manifestations les plus justes et la plus naturelle, vis-à-vis de la violence que les populations pauvres subissent dans leurs territoires et leur histoire. Une réaction automatique, qui l’était toujours dans l’histoire, même pour les animaux, et qu’il faudrait aborder de l’amont sans essayer de bloquer vainement une ruée humaine incessante. La fortification des pays d’accueil, par les murs, la soldatesque et le refus, ne servirait pas à grand-chose et ne ferait qu’augmenter les risques et dangers, aux « reconquistadors » du droit à la vie, quand ils seraient obligés de contourner les obstacles divers pour parvenir à leurs desseins.
Comme pour chaque problème, il aurait toujours plusieurs causes et aussi plusieurs composants de solution, ce qui appelle à dire, à ce sujet, qu’il faudrait commencer par alléger les droits de circulations en facilitant les visas permettant aux gens de tenter leurs chances d’intégrations ou revenir comme pour ceux de l’Europe de l’est, d’un coté et d’un autre, il faudrait rendre aux pays émetteurs de migrants, leur équilibre social et économique en investissant pour de bon et non par alimenter la corruption et ses agents. Une équité, qui devant l’hégémonie historique de l’occident sur les autres peuples, transformant toutes les activités violemment mais progressivement, au rythme d’une acculturation et un consumérisme centralisés sur le nord. Comme si l’occident dirait, « consommez mes produits, mes idées, donnez-moi vos énergies et restez chez vous », ce qui désormais, n’est plus acceptable et demande une révision urgente, pour pacifier le monde et l’assainir des hégémonies inhumaines. D’ailleurs, tout en respectant les identités et leur diversité, l’universalisme est déjà en vigueur et personne ne peut plus se cacher derrière ses frontières, sa langue et ses fortifications, et il suffirait d’admettre ce fait, pour agir en conséquence et donner aux hommes le droit de vivre en paix. Même aussi simpliste, Boughmiga, l’avait toujours dit dans ses poèmes, que le migrant écologique, viendra incontestablement sur le monde, par sa force de travail, sa sagesse et son droit à la vie et toute obstruction à cet « élan » ne serait que temporaire et conjoncturelle.
A Zarzis, on reçoit encore des morts rejetés par la mer, des appréhendés par la police maritime et des arrivants par avion des pays d’Afrique, pour faire de la région, un tremplin, une étape dans la ruée vers le nord. Une situation de « port sur » de fait, dont l’ancien cimetière des inconnus, crée par la mairie depuis 1993 est plein et le nouveau, financé par un artiste donateur algérien, commence à recevoir régulièrement les dépouilles des migrants morts en mer. Cet endroit de dignité et d’humanisme, accueillerait aussi les dépouilles des Syriens du petit cimetière d’El Ketf près de la frontière. Bien sûr, comme on ne cesse de le dire, une grande reconnaissance aux agents municipaux de Zarzis, aux agents de la protection civile, ceux de la garde nationale maritime, les pêcheurs de la région, la croissant rouge Tunisienne, les bénévoles comme Chemseddine, Boughmiga, Awatef, Farid et les autres…pour leur engagement sincère.
L’action mémoire de la mer et de l’homme, confrontée et préoccupée par la migration écologique depuis 1995, garde la mémoire et la dignité des morts en mer, à travers leurs centaines de chaussures, leurs vêtements et leur amour de la vie, tout en cherchant à contenir le sujet et l’accompagner pour essayer de trouver des solutions justes, pour les pauvres du monde.
En réalité, Zarzis, est investi par des frères de l’Afrique noire, qui trouvent du travail, jouent au foot, paraissent à l’aise, mais, en vérité, ils ne font qu’attendre une occasion pour aller vers le nord…, tant que le reste du monde avait été désertifié en règle.
Lihidheb Mohsen « Boughmiga » 20.04.2021
Mémoire de la mer et de l’homme Zarzis.